Exploitation par contrat de l’image d’une salariée

06/12/2024

Une ingénieure chimiste employée par un laboratoire pharmaceutique avait consenti à son employeur, par contrat, un droit exclusif sur son nom et son image pour la promotion de produits capillaires et cosmétiques moyennant une rémunération semestrielle.

Dans le cadre d’un contentieux prudhommal consécutif à son licenciement, la salariée faisait valoir une atteinte à son droit à l’image et demandait réparation au motif que des notices et plaquettes comportant son image, qui avaient été éditées pendant l’exécution de son contrat, étaient encore diffusées après son licenciement.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2024, rejette le pourvoi et rappelle que « les dispositions de l'article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l'image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes. ». La Cour d’appel de Paris avait statué dans le même sens considérant qu’il aurait été disproportionné de procéder au retrait, dans les stocks existants, des notices comportant l’image de l’ancienne salariée.

Inapplicabilité de l’épuisement des droits d’auteur aux jeux vidéo dématérialisés

29/10/2024

C'est ce que décide la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2024.

L'UFC-Que Choisir a contesté les conditions d’utilisation de la plateforme Steam, éditée par Valve Corporation, qui interdisent la revente de jeux dématérialisés. L’association invoque la règle de l’épuisement des droits devant normalement permettre la revente d'un produit protégé par le droit d’auteur après sa première vente légale dans l'UE.

Selon l’association, un jeu vidéo est un logiciel relevant de la directive 2009/24/CE. Interprétée par un arrêt de la CJUE (CJUE, 3 juillet 2012, UsedSoft, C-128/11), cette directive prévoit que l'épuisement du droit de distribution s’applique aux copies matérielles et immatérielles d'un programme informatique.

La Cour de cassation décide de créer une distinction entre :

● Le jeu vidéo, qui serait une œuvre « complexe » (comprenant du logiciel mais aussi des graphismes, de la musique, des éléments sonores, un scénario et des personnages) qui pourrait se retrouver « rapidement sur le marché une fois la partie terminée et qui [pourrait] être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création » ;

● Un programme informatique, qui n’est pas une œuvre complexe et est « destiné à être utilisé jusqu'à son obsolescence ».

Ainsi, le jeu-vidéo n’entrerait pas dans le champ d’application de la directive de 2009 (considérée comme une lex specialis) mais est soumis à la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, qui précise que l’épuisement s'applique seulement à l'objet matériel contenant l'œuvre.

Un conseil aux éditeurs de logiciels : ajoutez de la musique et des images dans vos programmes pour échapper à l’épuisement de vos droits de distribution !

Cour de cassation, 23 octobre 2024, n° 23-13.738

Pas de violation des droits sur un logiciel par modification de ses données

21/10/2024

La CJUE décide qu’un logiciel permettant de tricher aux jeux vidéo ne viole pas la directive sur la protection des programmes d’ordinateur.

Au-delà du cas d’espèce, cette décision est particulièrement didactique sur ce qui est protégé ou non par le droit d’auteur dans un logiciel.

Sony a poursuivi une société qui proposait des dispositifs matériels et logiciels compatibles avec la PlayStationPortable permettant de booster ses performances dans les jeux vidéos en contournant les limitations programmées par Sony dans ses jeux. Sony estime que ces dispositifs ont pour effet de « transformer » ses logiciels de jeux et violeraient ainsi son droit exclusif d’autoriser de telles transformations.

Le tribunal allemand saisi du litige a demandé à la CJUE d’interpréter la directive 2009/24 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

La CJUE considère que ne relève pas de la protection conférée par la directive « le contenu des données variables insérées par un programme d’ordinateur dans la mémoire vive d’un ordinateur et utilisées par ce programme au cours de son exécution, dans la mesure où ce contenu ne permet pas la reproduction ou la réalisation ultérieure d’un tel programme. »

En effet, la directive protège seulement la création intellectuelle telle qu’elle se reflète dans le code-source et le code-objet du programme d’ordinateur, seuls susceptibles de reproduction.

Très didactique dans sa formulation, cet arrêt rappelle que ne sont pas protégeables par le droit d’auteur :
● Les idées et les principes à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur tels que les algorithmes, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques.
● L’interface utilisateur graphique d’un programme d’ordinateur.
● La fonctionnalité d’un programme d’ordinateur.
● Le langage de programmation.
● Le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions.
● Et maintenant : le contenu des variables que le programme protégé a inséré dans la mémoire vive de l’ordinateur.

Arrêt du 17 octobre 2024, Affaire C-159/23 Sony Computer Entertainment Europe c/ Datel

Enseignement supérieur et droits d’auteur

27/09/2024

Plusieurs décisions récentes rappellent que si l’enseignement est une vocation, il doit se faire dans le respect de la législation:

● [Contrefaçon de contenus pédagogiques] Dans un jugement du 10 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a reconnu qu’une société de formation avait commis des actes de contrefaçon en reproduisant sans autorisation des cours oraux dispensés à l’Université. Ces reproductions concernaient des polycopiés et des enregistrements audio de cours d’enseignants-chercheurs, qui avaient été ensuite vendus aux étudiants inscrits au cours dispensés par la société privée. Les juges ont retenu l’originalité des contenus pédagogiques et donc leur protection par le droit d’auteur.

● [Contrefaçon par l’école d’une création d’un étudiant] En avril 2024, une école de cinéma et d'audiovisuel a été condamnée pour contrefaçon pour avoir utilisé, modifié et apposé sur l’ensemble des supports médias de l’école une photo extraite d'un film réalisé par un ancien étudiant sans son autorisation. Le tribunal judiciaire de Lyon a jugé que l’école avait porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de l’auteur et a rejeté les arguments de l’école sur la valeur « symbolique » de l'œuvre.

Tribunal judiciaire Lyon, 10 sept. 2024 - n°19/04490 - Tribunal judiciaire Lyon, 30 avr. 2024 – n° 19/04753

CONTREFACON DU VERS D’UNE CHANSON CELEBRE

18/09/2024

« La mer Qu’on voit danser » est un vers original selon le Président du Tribunal Judiciaire statuant en référé.

Le légataire universel de Charles Trénet et la société cessionnaire des droits d’édition de la chanson La Mer ont intenté une action en référé à l'encontre d'une société commercialisant des produits personnalisables présentés sur son site web avec la reproduction de ce vers.

Le juge des référés reconnait que « l’originalité [du vers] réside dans la juxtaposition [des] termes, témoignent d’un effort créatif propre à Charles Trénet, reflétant l'empreinte de sa personnalité ». Le vers en question bénéficie de la protection conférée par le droit d’auteur, sa reproduction par la défenderesse constitue une atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, justifiant ainsi son interdiction. Le juge condamne également à un total de 10 000 euros de dommages et intérêts par provision et 2 000 euros au titre des frais de procédure.

 TJ Paris 11 septembre 2024, Ord. Ref.

DROITS D’AUTEUR SUR DES EXPOSITIONS

04/09/2024

Une exposition peut être l’œuvre originale d’un salarié. Un ancien salarié du Centre national de la mémoire arménienne (CNMA) était à l’origine de plusieurs expositions organisées par le CNMA. Reprochant au CNMA d’avoir continué à exploiter ces expositions sans son autorisation après avoir été licencié, il a assigné le CNMA pour contrefaçon de droit d’auteur.

La Cour d’appel de Lyon (1re ch. civ. b, 2 juill. 2024, n° 22/05460) considère que « les panneaux de chacune des expositions, comportent des textes originaux, une sélection de documents issus de recherches historiques, des photographies sélectionnées et disposées spécifiquement, et qu'ils ont été mis en page selon des choix arbitraires et créatifs et selon une cohérence d'ensemble, révélant l'apport intellectuel et la personnalité de l'auteur ». Ces expositions sont donc originales et bénéficient de la protection par le droit d’auteur pour le salarié.

La Cour rappelle que l'existence d'un contrat de travail n'entraîne pas automatiquement la cession des droits d'auteur au profit de l'employeur, sauf exceptions, notamment lorsqu’une clause contractuelle précise les conditions de cession des droits sur les œuvres créées par le salarié. Or, une telle clause de cession n’était pas stipulée au contrat.

Cette affaire est l’occasion de rappeler l’importance pour un employeur de prévoir des clauses de cession de droits d’auteur précisément rédigées, conformément au code de la propriété intellectuelle, dans les contrats de travail.

VENTE DE BILLETS DE SPECTACLE : NOUVELLE DEFAITE DES OPERATEURS ILLICITES DEVANT LA CJUE

18/07/2024

Etienne Papin et Stéphanie Foulgoc, associés de NEXT, représentaient Ekhoscènes devant la CJUE. Ils se félicitent de la décision du juge européen qui refuse de se laisser instrumentaliser par des sociétés établies hors de l’Union européenne mais qui espèrent tirer parti du droit européen contre le droit national.

Des sociétés établies hors UE ne peuvent demander l’interprétation des règles de libre prestation de service au sein de l’UE pour conduire des activités illicites en ligne au sein de l’UE. Leur demande est manifestement irrecevable. C’est ce que décide, la CJUE dans l’affaire C-190/23.

▶️ Communiqué d'Ekhoscènes

CONTREFACON DES TRAVAUX D’UN ELEVE PAR SON ECOLE

15/05/2024

Contrefaçon de droits d'auteur – Quand une école exploite une création d’un étudiant sans autorisation : Un ancien étudiant d’une école de cinéma et d'audiovisuel - devenu réalisateur, monteur et étalonneur - a constaté qu’une photo extraite d’un film réalisé en 2011, lors de ses années d’études, avait été extraite de ce film, modifiée et apposée sur l’ensemble des supports médias de l’école à compter de 2019.

L’auteur de la photo a proposé un règlement amiable du litige par versement d’une somme de 8100 euros en contrepartie d’une cession de ses droits, proposition à laquelle il n’a pas été donné suite…

Dans son jugement du 30 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lyon condamne l’école pour contrefaçon de droits d’auteur :

● Les dispositions du « Guide de l’étudiant 2010/2011 » ne peuvent pas constituer une autorisation d’usage de l’œuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle dès lors qu’elles sont trop larges, ambiguës, non limitées dans le temps et ne peuvent être considérées comme s’appliquant à chacune des oeuvres qui seront créées par les étudiants dans le cadre de leurs formations

● Le tribunal rejette également les arguments de l’école pour tenter de minimiser le préjudice de l’auteur selon lesquels, l’oeuvre ayant été créée dans le cadre d’un projet étudiant, elle n’aurait « qu’une valeur symbolique »

● Le tribunal retient enfin une atteinte au droit moral de l’auteur : la photographie a été modifiée et l’auteur n’est jamais crédité

Le tribunal condamne donc l’école à verser un montant total de près de 30 000 euros à l’élève au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux, à ses droits moraux et au titre de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

Tribunal judiciaire de Lyon, 30 avril 2024 – n° 19/04753

FORMALISME DE LA CESSION DES DROITS SUR UNE PHOTOGRAPHIE

16/04/2024

Les photographies des membres d’un groupe de rock commandées pour la promotion d’une tournée ne pouvaient pas être utilisées pour un EP et les réseaux sociaux du groupe. C’est ce que rappelle le Tribunal judiciaire dans un jugement récent (Tribunal judiciaire, Paris, 3e ch., 2e sect., 5 avr. 2024 – n° 21/09122) opposant le photographe et le management du groupe.

Il avait été confié au photographe professionnel la réalisation de photographies des membres du groupe dans le cadre de la promotion d’une tournée.

Sur sa facture le photographe indiquait : "Tous droits cédés. France. 3 ans". "Toute utilisation sortant du cadre initialement prévu dans ce devis est interdite, sauf autorisation expresse et écrite du prestataire".

Le Tribunal rejette sa demande de nullité de sa propre clause au motif qu’elle aurait été trop générale, retenant que le photographe "qui se décrit lui-même comme un photographe professionnel d’une grande notoriété, n’a pu faire aucune erreur (…) sur la portée des termes de celle-ci".

En revanche le tribunal retient la contrefaçon par reproduction des photos sur les réseaux sociaux du groupe et sur la pochette d’un single, et l’atteinte au droit moral, le photographe n’ayant pas été crédité comme photographe sur ledit single.

Moralité : le contrat était mal rédigé et tout le monde est perdant !

SOCIETES D’AUTEURS ET LIBRE PRESTATION DE SERVICE DANS L’UE

26/03/2024

A la question de savoir s’il peut être interdit par une loi nationale à une entité établie dans un autre État membre de fournir des services de gestion de droits d’auteur sur son territoire, la CJUE répond non. En tous cas, pas par une interdiction « générale et absolue ».

Liberi editori a autori (LEA), organisme de gestion collective italien "habilité à l’intermédiation des droits d’auteur" faisait grief à une société luxembourgeoise, entité de gestion indépendante des droits d’auteur, d’exercer ses activités d'intermédiation en Italie, au motif :
● qu’elle n’était pas inscrite sur la liste des organismes "habilités à l’intermédiation des droits d’auteur en Italie" ;
● qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences spécifiques prévues par un décret italien ;
● et qu’elle n’avait pas informé le ministère des Télécommunications avant de commencer à exercer son activité.

Une question préjudicielle a été soumise à la CJUE.

La CJUE, en interprétant l’article 56 TFUE sur la libre prestation des service et la directive 2014/26/UE sur la gestion collective du droit d’auteur, juge qu’« une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur » constitue une restriction non proportionnée au regard de l’objectif de protection du droit d’auteur et s’oppose au droit de l’Union.

CJUE 21 mars 2024 affaire C‑10/22 Liberi editori e autori (LEA) c. Jamendo SA
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