SAGA JUDICIAIRE DU RAPPEUR FREEZE CORLEONE : LA SUITE

20/02/2024

L’annulation par le Préfet du Nord du concert qui devait se tenir le 15 février à Lille a été confirmée par le Tribunal administratif pour les raisons suivantes :

- Les allégations selon lesquelles les propos illicites ne seraient pas prononcés lors du concert ne suffisaient pas à écarter le risque sérieux que soient portées de graves atteintes au respect des valeurs et principes fondamentaux ; lors de précédents concerts en 2023, le rappeur avait en effet interprété d’autres chansons que celles au programme, certaines comportant des propos répréhensibles ;
- Le préfet a démontré un contexte tendu à l’égard de la communauté juive, faisant état d’actes antisémites ou appelant à la haine dans le Nord ;
- Les forces de l’ordre locales étaient très mobilisées dans les suite des attentats d’Arras et de Bruxelles d’octobre 2023 et en raison de la présence de nombreux supporters allemands de passage à Lille pour se rendre à un match de foot à Lens.

Ord. Tribunal Administratif Lille 15 février 2024 n° 2401563 

SACEM : LES POMPES FUNEBRES DOIVENT PAYER DES REDEVANCES

12/02/2024

Les pompes funèbres doivent payer des redevances de droit d’auteur pour des cérémonies dans des crematoriums, funérariums ou cimetières à l’occasion desquelles des phonogrammes peuvent être diffusés.

Lors d’une cérémonie, des agents assermentés ont constaté la diffusion d’œuvres musicales du répertoire de la SACEM.

Le tribunal judiciaire de Paris juge que :
- la diffusion de phonogrammes lors d’obsèques constitue une "communication au public" ; et
- l’exception de représentation dans le cercle de famille ne s’applique pas. Le CPI conditionne son application à deux critères cumulatifs : le caractère privé et la gratuité. Or, la diffusion lors d’obsèques est réalisée en exécution d’un contrat à but lucratif.  

Le tribunal condamne la société de services funéraires à payer à la SACEM plus de 100 000 euros au titre de redevances contractuelles et de dommages et intérêts relatifs à la contrefaçon de droit d'auteur pour des faits remontant jusqu’en 2016.

Tribunal Judiciaire de Paris, 31 janv. 2024 - n°20/03574

UNE COMMUNE PEUT CONCLURE DE GRE A GRE AVEC UN DIFFUSEUR DE SPECTACLES

09/02/2024

Décision importante de la Cour administrative d’appel de Bordeaux (11 janv. 2024 – n° 23BX02469) pour les relations des producteurs et diffuseurs de spectacles avec des collectivités locales.

Par courrier du 19 juillet 2022, la commune d’Anglet a décidé d’annuler la représentation programmée le 2 septembre 2022 du groupe Ofenbach au festival Les Sables Moovants.

Pour essayer d’échapper au versement d’un acompte de 30 000 euros, la commune invoque le fait qu’elle ne pouvait conclure de gré-à-gré un contrat avec le « simple diffuseur » du spectacle qui ne « détenait pas un droit de propriété exclusif ».

Argument peu convaincant que ne retient pas, à juste titre, la Cour administrative d’appel qui constate que le diffuseur était bien seul détenteur des droits de production du concert le 2 septembre 2022 à Anglet.

Conséquence importante, la commune pouvait conclure avec ce diffuseur un marché de gré-à-gré en se fondant sur l’article R. 2122-3 du code de la commande publique qui prévoit : « 𝘓'𝘢𝘤𝘩𝘦𝘵𝘦𝘶𝘳 𝘱𝘦𝘶𝘵 𝘱𝘢𝘴𝘴𝘦𝘳 𝘶𝘯 𝘮𝘢𝘳𝘤𝘩𝘦́ 𝘴𝘢𝘯𝘴 𝘱𝘶𝘣𝘭𝘪𝘤𝘪𝘵𝘦́ 𝘯𝘪 𝘮𝘪𝘴𝘦 𝘦𝘯 𝘤𝘰𝘯𝘤𝘶𝘳𝘳𝘦𝘯𝘤𝘦 𝘱𝘳𝘦́𝘢𝘭𝘢𝘣𝘭𝘦𝘴 𝘭𝘰𝘳𝘴𝘲𝘶𝘦 𝘭𝘦𝘴 𝘵𝘳𝘢𝘷𝘢𝘶𝘹, 𝘧𝘰𝘶𝘳𝘯𝘪𝘵𝘶𝘳𝘦𝘴 𝘰𝘶 𝘴𝘦𝘳𝘷𝘪𝘤𝘦𝘴 𝘯𝘦 𝘱𝘦𝘶𝘷𝘦𝘯𝘵 𝘦̂𝘵𝘳𝘦 𝘧𝘰𝘶𝘳𝘯𝘪𝘴 𝘲𝘶𝘦 𝘱𝘢𝘳 𝘶𝘯 𝘰𝘱𝘦́𝘳𝘢𝘵𝘦𝘶𝘳 𝘦́𝘤𝘰𝘯𝘰𝘮𝘪𝘲𝘶𝘦 𝘥𝘦́𝘵𝘦𝘳𝘮𝘪𝘯𝘦́, 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘭'𝘶𝘯𝘦 𝘥𝘦𝘴 𝘳𝘢𝘪𝘴𝘰𝘯𝘴 𝘴𝘶𝘪𝘷𝘢𝘯𝘵𝘦𝘴 : (…) 3° 𝘓'𝘦𝘹𝘪𝘴𝘵𝘦𝘯𝘤𝘦 𝘥𝘦 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴 𝘥'𝘦𝘹𝘤𝘭𝘶𝘴𝘪𝘷𝘪𝘵𝘦́, 𝘯𝘰𝘵𝘢𝘮𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘥𝘦 𝘥𝘳𝘰𝘪𝘵𝘴 𝘥𝘦 𝘱𝘳𝘰𝘱𝘳𝘪𝘦́𝘵𝘦́ 𝘪𝘯𝘵𝘦𝘭𝘭𝘦𝘤𝘵𝘶𝘦𝘭𝘭𝘦. »

La commune ne pouvait donc se prévaloir d’un motif unilatéral de résiliation du contrat, tel le caractère illicite du contrat ou un vice d’une particulière gravité.

C’est une application importante de l’article R. 2122-3 du code de la commande publique qui consacre le droit de l’acheteur public à la négociation de gré-à-gré avec le producteur ou diffuseur des artistes que la collectivité veut voir se produire.

Et qui rappelle aussi aux communes l’obligation de respecter leurs engagements !

EUROSONIC 2024

20/01/2024

Le 19 janvier 2024, lors du festival Eurosonic à Groningen (Pays-Bas), Stéphanie Foulgoc, associée de NEXT, participait à la table ronde "PARLIAMENT OF POP - UNF*CKING TICKETING" sur la billetterie dans le spectacle vivant. De nombreux points ont été abordés pour offrir une expérience sûre dans la commercialisation, l'achat et l'utilisation des billets :

- Les règles juridiques doivent être appliquées : trop d'acteurs illicites opèrent en ligne en violation des lois applicables sans réaction efficace des autorités publiques dans les États membres.

- La technologie permettant à l'organisateur d'un événement de contrôler de bout en bout la distribution des billets permet la mise en place de services de revente de billets fiables et autorisés.

- La sensibilisation doit être accrue : les consommateurs doivent être informés des services autorisés à distribuer les billets, mais aussi des sites non autorisés et illicites sur lesquels il ne faut pas acheter de billets !

Stéphanie Foulgoc a partagé son expérience avec les professionnels du spectacle vivant venus de toute l'Europe sur la situation juridique en France qui a permis la fermeture de plusieurs sites illicites suite à des actions en justice initiées par le PRODISS. NEXT assiste et représente le PRODISS, le syndicat français des organisateurs, promoteurs et lieux de spectacles, dans sa lutte contre la revente de billets non autorisés.

Le panel était animé par Manfred Tari (Pop100) avec la participation de Sam Shemtob FRSA (FEAT) et András Berta (Backstage Ticketing).

SPECTACLES IMMERSIFS : NEXT ASSISTE LES PRODUCTEURS

02/02/2024

Lors de ses vœux, la ministre de la Culture a défendu le « modèle de propriété intellectuelle » français et a annoncé un nouvel appel à projet « Création immersive et métavers » dans le cadre du programme France 2030. Ce dispositif vise à soutenir des initiatives innovantes dédiées à la production et/ou à la diffusion d’expériences culturelles au sein d'environnements immersifs (spectacles, expositions, valorisation du patrimoine, etc..)

Spectacle et œuvre audiovisuelle en même temps, la production d’une expérience immersive requiert une ingénierie juridique spécifique.

Exploitation des droits d’auteurs et des droits voisins, hologrammes et droits de la personnalité, créations logicielles, sound design et scénographie, relations avec les sociétés de gestion collective, reproductions de bâtiments et code du patrimoine, billetterie, droit des données personnelles si l’expérience est interactive, etc.

NEXT avocats fournit un accompagnement juridique à 360° pour la production et l’exploitation de spectacles immersifs.

Pour consulter l’appel à projet

BLOCAGE DE L’ACCES A 5 SITES ILLICITES DE STREAMING

31/01/2024

Les FAI doivent empêcher l’accès à 5 sites illicites de streaming décide le TJ de Paris.

Différents organismes professionnels de défense du secteur de l’audiovisuel et du cinéma ont assigné les principaux FAI français devant le tribunal judiciaire de Paris afin d’empêcher l’accès à des sites illicites de streaming de films.

Il a été constaté que plus de 50% du contenu de 5 sites permettait l’accès au public à des œuvres audiovisuelles et cinématographiques sans autorisation des auteurs et producteurs. En outre, les sites avaient mis en place :
● Un système de monétisation les rémunérant, ainsi que leurs utilisateurs, en fonction du taux de fréquentation des vidéos et des publicités visionnées ;
● Un système d’abonnement payant autorisant les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi récupérer l’intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d’une vidéo.

Le TJ de Paris, dans son jugement du 17 janvier 2024 (n° 23/15329), constate donc une atteinte aux droits d’auteur ou aux droits voisins, en ce que :
● Les sites litigieux réalisaient une communication au public d’œuvres sans consentement des titulaires de droits ;
● Les exploitants des sites savaient que des contenus protégés étaient massivement et illégalement mis à la disposition du public par leur intermédiaire ;
● Qu’ils s’abstenaient de mettre en œuvre des mesures techniques permettant de contrer ces violations faites par leur intermédiaire, et ;
● Qu’ils incitaient à la violation de droits d’auteur et de droits voisins par la mise en place d’outils destinés au partage de masse et illicite de contenus protégés, en promouvant ces partages, par le biais d’un modèle économique démontrant leur rôle actif dans le partage des fichiers contrefaisants.

De leur côté, les FAI ne contestaient pas la demande et s’en remettaient à l’appréciation du tribunal.

Au fondement de l’article 336-2 du code de la propriété intellectuelle, le tribunal ordonne aux FAI de mettre en œuvre toutes mesures efficaces de leur choix pour empêcher l'accès à ces sites illicites :
● notamment par filtrage des noms de domaines visés par l’ordonnance et des sous domaines qui y sont associés; Ces mesures doivent être mises en œuvre dans les 15 jours suivant la signification de la décision et pour une durée de 18 mois ;
● En informant les organismes professionnels demandeurs des mesures mises en œuvre, et ;
● En prenant à leur charge le coût des mesures de blocage.

CONSEQUENCES DE LA LIQUIDATION DU PRODUCTEUR SUR LES DROITS D’AUTEUR ACQUIS

04/01/2024

Le réalisateur ne récupère pas ses droits d’auteur à la liquidation judiciaire de la société de production cessionnaire des droits.

Un documentaire sur le groupe de zouk Kassav’, diffusé en 2019, contenait des extraits d’un précédent documentaire réalisé 30 ans plus tôt.

Le producteur et le diffuseur ont été assignés par le réalisateur du premier documentaire pour contrefaçon de ses droits d’auteur. Il demandait 115 000 euros de dommages et intérêts et une interdiction de poursuite d’exploitation. Le réalisateur prétendait que ses droits patrimoniaux lui avaient été restitués par la liquidation judiciaire, prononcée en 2004, de la société de production du premier documentaire.

Toutefois, la Cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 15 décembre 2023, rappelle que l'article L 132-30 du code de la propriété intellectuelle dispose que la liquidation judiciaire permet la résiliation d'un contrat de production audiovisuelle seulement si elle est demandée par l'auteur. Or, l’auteur ne justifiait pas d'une telle demande et échouait donc à revendiquer des droits patrimoniaux.

En revanche, le producteur du second documentaire indiquait, quant à lui, avoir acquis légitimement le droit d'utiliser 6 minutes du documentaire initial, auprès d’un tiers qui déclarait détenir ces droits, pour un montant de 3 600 euros.

La Cour d’appel a donc débouté l’auteur de ses demandes.

Cet arrêt rappelle que la formalisation de toute cession de droits, même sur un contenu court et ancien, est essentielle pour faire face aux éventuelles revendications en cours d’exploitation !

LIBERTE D’EXPRESSION ET ORDRE PUBLIC

21/12/2023

Pourquoi Freeze Corleone n’a pas pu monter sur scène à Nantes alors qu’il avait pu à Rennes et Paris ?

1️⃣ La mairie de Rennes a interdit le concert du rappeur invoquant ses propos constituant des "provocations et incitations à la haine" et "de nature à très fortement exacerber les tensions déjà vives entre différents groupuscules politiques extrêmes présents à Rennes".

Le Conseil d’État a jugé, le 17 mars 2023, que l’interdiction du concert portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression.
- Les propos répréhensibles de l’artiste par le passé ne suffisent pas à caractériser un risque de trouble pour ce concert en particulier.
- L’artiste a démontré qu’il n’interprèterait pas les chansons ayant fait polémique par le passé.
- La réalité du risque d’affrontements entre groupes à l’occasion du concert n’est pas démontrée, seuls des mails et tweets déplorant la venue de l’artiste étaient produits.
- A l’époque, des manifestations contre la réforme des retraites avaient lieu. Toutefois, sans risque avéré de violence liée au concert, la nécessité de mobiliser les forces de l’ordre n'est pas retenue.

▶️ Le concert a eu lieu le 18 mars

2️⃣ Le préfet de police de Paris a interdit deux concerts faisant valoir que les textes de l’artiste contenaient "de nombreuses références complotistes et antisémites" dans un contexte tendu en raison de la guerre Israël / Hamas.

Le 23 novembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a jugé que l'annulation portait "une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’entreprendre".
- Les propos répréhensibles de l’artiste par le passé ne sont pas retenus.
- Les textes ayant un caractère antisémite n’étaient pas au programme de ces concerts.
- Un concert précédent avec la même programmation début novembre n’avait pas créé de troubles.
- En absence de risque avéré de violence lors du concert, la mobilisation des forces de l’ordre liée au contexte géopolitique ne justifie pas l'annulation.

▶️ Les concerts des 24 et 25 novembre ont eu lieu.

3️⃣ Le 29 novembre 2023, le préfet du 44 a annulé le concert du rappeur.

Le Tribunal administratif de Nantes confirme l’annulation.
- Les propos répréhensibles de l’artiste par le passé ne sont pas retenus.
- Mais au moins 3 titres au programme du concert contiennent des paroles portant atteinte au respect de la dignité de la personne humaine.
- De surcroît, les concerts de Bordeaux et Paris en novembre 2023 ont démontré une adhésion importante des participants aux propos de l’artiste. Le risque de violences est élevé du fait d’actes antisémites constatés récemment en Loire-Atlantique.
- Il existe un risque avéré de trouble et ce, dans un contexte de sollicitation exacerbée des forces de l’ordre dans le cadre du plan Vigipirate.

▶️ A Nantes, le concert du 1er décembre a été reporté en attente d’une nouvelle décision du Conseil d’Etat.

LIBERTE DES MEDIAS

18/12/2023

Le Parlement et le Conseil se sont accordés le 15 décembre 2023 sur le projet de règlement visant à protéger les journalistes de l’UE contre les menaces pesant sur la liberté de la presse. L’accord prévoit notamment :

● L'interdiction d’obliger les journalistes et les rédacteurs en chef à révéler leurs #sources, que ce soit par des détentions, des sanctions, des perquisitions de bureaux ou l'installation de logiciels de surveillance intrusifs sur leurs appareils ;

● L’obligation des médias de publier des informations sur leurs #propriétaires directs et indirects, y compris s’ils appartiennent directement ou indirectement à l’État ou à une autorité publique, dans une base de données nationale ;

● Les médias devront être notifiés de l’intention d’une #plateforme de supprimer ou de restreindre leur contenu et disposeront de 24 heures pour y répondre.

Le projet de règlement devra être formellement approuvé par la commission de la culture et de l’éducation et par le Parlement dans son ensemble, puis par le Conseil.

Une entrée en vigueur pour le 2nd semestre 2024 est prévisible.

Le communiqué de presse

LIBERTE D’EXPRESSION OU ATTEINTE A LA DIGNITE ?

5/12/2023

Les arrêts d’Assemblée Plénière de la Cour de cassation sont rares en droit de la création pour être remarqués.

Un fonds régional d’art contemporain avait organisé une exposition dans laquelle une œuvre représentait une série de lettres fictives, rédigées par l’artiste qui, par leur contenu cru et provocateur, visaient à faire réagir le public face au thème des violences intrafamiliales. Une association a saisi la justice considérant que l’œuvre portait atteinte à la dignité de la personne humaine, se fondant sur l'article 16 du code civil.

Dans son arrêt du 17 novembre 2023, l’Assemble Plénière de la Cour de cassation, saisie du litige, rappelle dans un attendu simple que la liberté d'expression est un fondement essentiel d’une société démocratique et conclut que « le principe du respect de la dignité humaine ne constitue pas à lui seul un fondement autonome de restriction à la liberté d’expression ».

A une époque où maires et préfets sont enclins à interdire de manière préventive des spectacles en considération de risques à l’ordre public, la position de la Cour de cassation est à souligner.
Aller en haut