Diffusion de musique amplifiée dans un bar : quel est le montant de la rémunération équitable ?

14/03/2025

La SPRE (organisme de gestion collective des droits voisins des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes), a fait assigner la société exploitant un bar-restaurant au sein d’une station de ski en paiement de la rémunération équitable due par les « bars et restaurants à ambiance musicale » (BAM/RAM) pour l’exploitation des phonogrammes du commerce (art L.214-1 du CPI).

Le bar-restaurant affirmait n’exercer qu’une activité de restauration traditionnelle pour laquelle il versait déjà la rémunération équitable directement auprès de la SACEM, mandatée par la SPRE, pour la diffusion de musiques de « sonorisation » ou de « manière occasionnelle ».

La SPRE considérait toutefois que la diffusion de musique amplifiée était, dans ce cas, une composante essentielle de l’activité commerciale du bar-restaurant, ouvrant droit à une rémunération équitable majorée établie à 1,6% de l’ensemble des recettes brutes annuelles produites par les entrées et la vente de consommation ou la restauration, services inclus.

La cour d’appel de Lyon confirme l’appréciation de la SPRE en tenant compte de la diffusion de musique à un fort volume sonore, de l’utilisation de lumières colorées pour créer une ambiance festive et de la transformation en night-club le soir avec un DJ.

La cour d’appel retient également que le caractère occasionnel des soirées concernées était contestable et ne permettait pas d’écarter l’appartenance de l’établissement aux BAM/RAM.

L’établissement est condamné au paiement d’une somme de 15 746,56 euros au titre de la rémunération équitable dans la catégorie BAM/RAM à la SPRE.

Cour d'appel, Lyon, 8e chambre, 5 mars 2025 – n° 24/01353

Interdiction d’un spectacle pour risques de troubles à l’ordre public : le Conseil d’Etat gardien de la liberté d’expression

11/03/2025

Le préfet de police a interdit les représentations du spectacle « Tranquillou » de l’humoriste Dieudonné les 28 février et 1er mars 2025 à Paris par un arrêté du 27 février, la veille de la première représentation litigieuse.

Le tribunal administratif de Paris a suspendu cet arrêté par une ordonnance du 28 février. Le spectacle a donc eu lieu.

Le 1er mars, le ministre de l’Intérieur a fait appel de cette ordonnance. Il a soutenu que l’interdiction était justifiée pour prévenir la survenance de troubles à l’ordre public au regard des précédents spectacles de Dieudonné qui contenaient « des propos à caractère antisémite, négationniste, raciste, sexiste, homophobe, transphobe ou conspirationniste ».

Le Conseil d’État relève que le ministre de l’Intérieur n’apporte pas la preuve que le spectacle « Tranquillou » ayant eu lieu le 28 février aurait eu un contenu « provocateur ou illicite » ni qu’il s’agissait d’une manœuvre pour présenter son ancien spectacle « Vendredi 13 » dont le contenu est constitutif d’une menace de trouble à l’ordre public.

Le Conseil d’État rejette la requête du ministre de l’Intérieur en affirmant que le fait que les précédents spectacles de Dieudonné aient comporté des contenus susceptibles d’engendrer des troubles à l’ordre public ne suffit pas à caractériser des risques actuels de troubles à l’ordre public pour les représentations du nouveau spectacle en cause.

Conseil d'État, Juge des référés, 1 mars 2025 – n° 502057

Blocage de sites IPTV diffusant des matchs de tennis

06/02/2025

En application de l’article L333-10 du code du sport, le tribunal judiciaire de Paris a enjoint aux FAI opérant en France, de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès à des sites « IPTV » diffusant les matchs des tournois de tennis féminin WTA sans autorisation de la société beIN Sports France.

De nombreux sites internet IPTV accessibles depuis la France diffusaient en streaming et gratuitement des matchs de ces tournois. Cette diffusion illicite constituait donc une atteinte grave et répétée aux droits de beIN Sports France, licenciée des droits de diffusion pour la France.

Le tribunal a ordonné aux FAI de mettre en œuvre toutes mesures propres à empêcher l’accès à leurs abonnés aux sites identifiés par beIN Sport France par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaines et des sous-domaines associés, dans un délai de trois jours à compter de la signification de la décision.

Concernant les sites non identifiés au jour de la décision, conformément au code du sport, beIN Sports France pourra communiquer ultérieurement les données d’identification de ces sites à l’ARCOM qui, après vérification, transmettra ces données aux FAI afin qu’ils prennent les mesures ordonnées.

Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre, 2ème section, 24 janvier 2025 n°25/00148

Exploitation par contrat de l’image d’une salariée

06/12/2024

Une ingénieure chimiste employée par un laboratoire pharmaceutique avait consenti à son employeur, par contrat, un droit exclusif sur son nom et son image pour la promotion de produits capillaires et cosmétiques moyennant une rémunération semestrielle.

Dans le cadre d’un contentieux prudhommal consécutif à son licenciement, la salariée faisait valoir une atteinte à son droit à l’image et demandait réparation au motif que des notices et plaquettes comportant son image, qui avaient été éditées pendant l’exécution de son contrat, étaient encore diffusées après son licenciement.

La Cour de cassation, dans son arrêt du 23 octobre 2024, rejette le pourvoi et rappelle que « les dispositions de l'article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l'image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes. ». La Cour d’appel de Paris avait statué dans le même sens considérant qu’il aurait été disproportionné de procéder au retrait, dans les stocks existants, des notices comportant l’image de l’ancienne salariée.

Inapplicabilité de l’épuisement des droits d’auteur aux jeux vidéo dématérialisés

29/10/2024

C'est ce que décide la Cour de cassation dans son arrêt du 23 octobre 2024.

L'UFC-Que Choisir a contesté les conditions d’utilisation de la plateforme Steam, éditée par Valve Corporation, qui interdisent la revente de jeux dématérialisés. L’association invoque la règle de l’épuisement des droits devant normalement permettre la revente d'un produit protégé par le droit d’auteur après sa première vente légale dans l'UE.

Selon l’association, un jeu vidéo est un logiciel relevant de la directive 2009/24/CE. Interprétée par un arrêt de la CJUE (CJUE, 3 juillet 2012, UsedSoft, C-128/11), cette directive prévoit que l'épuisement du droit de distribution s’applique aux copies matérielles et immatérielles d'un programme informatique.

La Cour de cassation décide de créer une distinction entre :

● Le jeu vidéo, qui serait une œuvre « complexe » (comprenant du logiciel mais aussi des graphismes, de la musique, des éléments sonores, un scénario et des personnages) qui pourrait se retrouver « rapidement sur le marché une fois la partie terminée et qui [pourrait] être encore utilisé par de nouveaux joueurs plusieurs années après sa création » ;

● Un programme informatique, qui n’est pas une œuvre complexe et est « destiné à être utilisé jusqu'à son obsolescence ».

Ainsi, le jeu-vidéo n’entrerait pas dans le champ d’application de la directive de 2009 (considérée comme une lex specialis) mais est soumis à la directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur, qui précise que l’épuisement s'applique seulement à l'objet matériel contenant l'œuvre.

Un conseil aux éditeurs de logiciels : ajoutez de la musique et des images dans vos programmes pour échapper à l’épuisement de vos droits de distribution !

Cour de cassation, 23 octobre 2024, n° 23-13.738

Pas de violation des droits sur un logiciel par modification de ses données

21/10/2024

La CJUE décide qu’un logiciel permettant de tricher aux jeux vidéo ne viole pas la directive sur la protection des programmes d’ordinateur.

Au-delà du cas d’espèce, cette décision est particulièrement didactique sur ce qui est protégé ou non par le droit d’auteur dans un logiciel.

Sony a poursuivi une société qui proposait des dispositifs matériels et logiciels compatibles avec la PlayStationPortable permettant de booster ses performances dans les jeux vidéos en contournant les limitations programmées par Sony dans ses jeux. Sony estime que ces dispositifs ont pour effet de « transformer » ses logiciels de jeux et violeraient ainsi son droit exclusif d’autoriser de telles transformations.

Le tribunal allemand saisi du litige a demandé à la CJUE d’interpréter la directive 2009/24 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.

La CJUE considère que ne relève pas de la protection conférée par la directive « le contenu des données variables insérées par un programme d’ordinateur dans la mémoire vive d’un ordinateur et utilisées par ce programme au cours de son exécution, dans la mesure où ce contenu ne permet pas la reproduction ou la réalisation ultérieure d’un tel programme. »

En effet, la directive protège seulement la création intellectuelle telle qu’elle se reflète dans le code-source et le code-objet du programme d’ordinateur, seuls susceptibles de reproduction.

Très didactique dans sa formulation, cet arrêt rappelle que ne sont pas protégeables par le droit d’auteur :
● Les idées et les principes à la base de quelque élément que ce soit d’un programme d’ordinateur tels que les algorithmes, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques.
● L’interface utilisateur graphique d’un programme d’ordinateur.
● La fonctionnalité d’un programme d’ordinateur.
● Le langage de programmation.
● Le format de fichiers de données utilisés dans le cadre d’un programme d’ordinateur pour exploiter certaines de ses fonctions.
● Et maintenant : le contenu des variables que le programme protégé a inséré dans la mémoire vive de l’ordinateur.

Arrêt du 17 octobre 2024, Affaire C-159/23 Sony Computer Entertainment Europe c/ Datel

Enseignement supérieur et droits d’auteur

27/09/2024

Plusieurs décisions récentes rappellent que si l’enseignement est une vocation, il doit se faire dans le respect de la législation:

● [Contrefaçon de contenus pédagogiques] Dans un jugement du 10 septembre 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a reconnu qu’une société de formation avait commis des actes de contrefaçon en reproduisant sans autorisation des cours oraux dispensés à l’Université. Ces reproductions concernaient des polycopiés et des enregistrements audio de cours d’enseignants-chercheurs, qui avaient été ensuite vendus aux étudiants inscrits au cours dispensés par la société privée. Les juges ont retenu l’originalité des contenus pédagogiques et donc leur protection par le droit d’auteur.

● [Contrefaçon par l’école d’une création d’un étudiant] En avril 2024, une école de cinéma et d'audiovisuel a été condamnée pour contrefaçon pour avoir utilisé, modifié et apposé sur l’ensemble des supports médias de l’école une photo extraite d'un film réalisé par un ancien étudiant sans son autorisation. Le tribunal judiciaire de Lyon a jugé que l’école avait porté atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de l’auteur et a rejeté les arguments de l’école sur la valeur « symbolique » de l'œuvre.

Tribunal judiciaire Lyon, 10 sept. 2024 - n°19/04490 - Tribunal judiciaire Lyon, 30 avr. 2024 – n° 19/04753

CONTREFACON DU VERS D’UNE CHANSON CELEBRE

18/09/2024

« La mer Qu’on voit danser » est un vers original selon le Président du Tribunal Judiciaire statuant en référé.

Le légataire universel de Charles Trénet et la société cessionnaire des droits d’édition de la chanson La Mer ont intenté une action en référé à l'encontre d'une société commercialisant des produits personnalisables présentés sur son site web avec la reproduction de ce vers.

Le juge des référés reconnait que « l’originalité [du vers] réside dans la juxtaposition [des] termes, témoignent d’un effort créatif propre à Charles Trénet, reflétant l'empreinte de sa personnalité ». Le vers en question bénéficie de la protection conférée par le droit d’auteur, sa reproduction par la défenderesse constitue une atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l’auteur, justifiant ainsi son interdiction. Le juge condamne également à un total de 10 000 euros de dommages et intérêts par provision et 2 000 euros au titre des frais de procédure.

 TJ Paris 11 septembre 2024, Ord. Ref.

DROITS D’AUTEUR SUR DES EXPOSITIONS

04/09/2024

Une exposition peut être l’œuvre originale d’un salarié. Un ancien salarié du Centre national de la mémoire arménienne (CNMA) était à l’origine de plusieurs expositions organisées par le CNMA. Reprochant au CNMA d’avoir continué à exploiter ces expositions sans son autorisation après avoir été licencié, il a assigné le CNMA pour contrefaçon de droit d’auteur.

La Cour d’appel de Lyon (1re ch. civ. b, 2 juill. 2024, n° 22/05460) considère que « les panneaux de chacune des expositions, comportent des textes originaux, une sélection de documents issus de recherches historiques, des photographies sélectionnées et disposées spécifiquement, et qu'ils ont été mis en page selon des choix arbitraires et créatifs et selon une cohérence d'ensemble, révélant l'apport intellectuel et la personnalité de l'auteur ». Ces expositions sont donc originales et bénéficient de la protection par le droit d’auteur pour le salarié.

La Cour rappelle que l'existence d'un contrat de travail n'entraîne pas automatiquement la cession des droits d'auteur au profit de l'employeur, sauf exceptions, notamment lorsqu’une clause contractuelle précise les conditions de cession des droits sur les œuvres créées par le salarié. Or, une telle clause de cession n’était pas stipulée au contrat.

Cette affaire est l’occasion de rappeler l’importance pour un employeur de prévoir des clauses de cession de droits d’auteur précisément rédigées, conformément au code de la propriété intellectuelle, dans les contrats de travail.
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