POUR UN DROIT VOISIN DU PRODUCTEUR DE SPECTACLES

21/10/2023



« Droit de propriété intellectuelle: une protection nécessaire des investissements des producteurs dans un modèle fondé sur la prise de risques »

Le PRODISS, syndicat national du spectacle musical et de variété, a rendu public son rapport d’activités 2022-2023.

Dans un entretien, Etienne Papin et Stéphanie Foulgoc, avocats associés de NEXT, défendent l’adoption d’un nouveau droit au profit des professionnels du spectacle vivant.

REMUNERATION DES AUTEURS DE LOGICIELS : QUELS CHANGEMENTS AVEC LE DECRET DU 11/08/23 ?

06/10/2023

L’article L113-9-1 du code de la propriété intellectuelle (CPI) introduit par une ordonnance de 2021 a étendu le mécanisme de dévolution des droits patrimoniaux au profit de l’employeur pour les collaborateurs auteurs de logiciels « accueillis dans le cadre d’une convention par une personne morale de droit privé ou de droit public réalisant de la recherche ». Il s’agit des stagiaires, alternants, doctorants etc.

Un décret du 11 août 2023 est venu préciser la contrepartie financière qui doit être versée à ceux de ces auteurs de logiciels qui sont accueillis par une personne morale de droit public.

Le nouveau dispositif prévoit qu’une prime d’intéressement doit être versée lorsque :
- l’auteur de logiciels intervient dans le cadre d’une convention ;
- il perçoit une contrepartie versée par la structure de droit public dans une situation ;
- il est placé sous l’autorité d’un responsable de cette structure ;
- et il a participé directement, lors de l’exécution de sa mission ou d’après les instructions de la structure d’accueil, à la création d’un logiciel.

Dans ce cas seulement, une prime d’intéressement sera due à l’auteur ayant participé à la création du logiciel, et elle sera calculée selon les modalités prévues par l’article 2 II du décret. La prime est due en plus de la contrepartie versée au titre de la convention.

Ce décret ne concerne donc pas :
-  les auteurs de logiciels non-salariés intervenant auprès d’entreprises privées faisant de la recherche dont le mécanisme de dévolution à l’entreprise reste encadré par le seul article L113-9-1 du CPI ;
- les auteurs de logiciels salariés ou agents publics dont le mécanisme de dévolution à l’employeur est encadré par l’article L113-9 du CPI ;
- les auteurs de logiciels intervenant dans le cadre de contrats de prestations de service ; etc.

Un autre décret du 11 août 2023 (n°2023-770) fixe les modalités de détermination de la contrepartie financière pour « les inventeurs » non-salariés ou sans statut d’agent public accueillis par une personne morale réalisant de la recherche.

EXERCICE ILLICITE DE L’ACTIVITE D’ENTREPRENEUR DE SPECTACLES

06/06/2023

Chef d’orchestre, chef de troupe ou de compagnie de théâtre, attention, vous exercez peut-être l’activité réglementée d’entrepreneur de spectacles.

Le chef d’un orchestre qui assumait la totalité de la responsabilité des spectacles et du recrutement des artistes, qui procédait aux déclarations et paiements de charges sociales, qui assurait la promotion des spectacles, la négociation avec les organisateurs, la gestion des manifestations et l'emploi de personnel fixe pour le suivi organisationnel et financier de l'orchestre, a été condamné par le tribunal correctionnel de Privas pour avoir exercé l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants sans licence. Les juges du fond n’ont pas reconnu que le chef d’orchestre pouvait agir en qualité de mandataire des autres membres de l’orchestre.

Dans sa décision du 7 Avril 2022, la Cour de cassation (n° 20-18.284) confirme, de surcroît, que cette personne est tenue au paiement des cotisations sociales et majorations dues au titre de cette activité professionnelle par le seul effet de la loi dès que s'exerce l'activité concernée.

CONVENTION ENTRE L’ARCOM ET PRIME VIDEO

14/04/2023

La loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que les éditeurs de services de médias audiovisuels à la demande peuvent conclure avec l’ARCOM des conventions précisant leurs obligations en matière de financement de création.

A la suite du décret SMAD du 22 juin 2021 le CSA (ex-ARCOM) avait procédé au conventionnement des principaux services établis hors UE (Netfilx, Disney +, Amazon Prime…). A cette occasion, l’Autorité avait rappelé que ces conventions devaient être enrichies par des accords professionnels.

Par un communiqué commun, la SACD, l’Uspa et AnimFrance annoncent la conclusion, par l’ARCOM, d’un avenant à la convention conclue avec Amazon Prime Video, qui constitue « un modèle pour les services vidéo à la demande ».

Cet avenant fait suite à l’accord professionnel qui avait été conclu entre Amazon et les organisations professionnelles du secteur de la production audiovisuelle en novembre 2022. L’ARCOM s’était alors engagé à transposer cet accord dans la convention de Prime Video.

Au travers de cette convention, Prime Video s’engage en faveur du développement des œuvres d’expression originale française (85% des investissements), des œuvres patrimoniales, de la production indépendante et de la diversité des genres audiovisuels.

Les organisations professionnelles appellent à la négociation d’accords similaires avec les autres éditeurs, en premier lieu, Netflix et Disney : "AnimFrance, la SACD et l’USPA appellent à ce qu’avant le terme des conventions actuelles d’ici la fin 2024, dans le cadre des négociations professionnelles, ou à leur issue, les engagements des opérateurs de vidéo à la demande par abonnement en faveur de la création soient alignés sur le régime le mieux-disant, en l’occurrence celui de Prime Video".

CESSION DE SES DROITS D’AUTEUR PAR UN SALARIE

23/02/2022

Une clause générale de cession de droits d'auteur dans un contrat de travail validée par la Cour d’appel de Paris.

Sauf exception, les employeurs ne sont pas automatiquement cessionnaires des oeuvres créées par leurs salariés. D’où l’importance de la clause de cession de droits d’auteur dans les contrats de travail.

Dans son arrêt du 25 janvier 2023, la Cour d'appel de Paris (CA PARIS Pôle 5, chambre 1, 25 Janvier 2023 – n° 19/15256) vient conforter utilement l’efficacité de ces clauses.

● Une salariée invoquait la nullité de la clause au fondement de l'article L.131-1 du code de la propriété intellectuelle et en ce qu'elle procéderait d'une cession globale d'oeuvres futures prohibée.

Or, en l'espèce, la clause de cession de droits stipulée au contrat de travail au profit de l'employeur couvrait les créations réalisées dans le cadre du contrat, au fur et à mesure de leur réalisation. La Cour affirme qu’une telle clause n'est pas nulle dès lors qu'elle délimite le champ de la cession à des oeuvres déterminables et individualisables.  Ainsi, la clause ne porte pas sur des oeuvres futures mais sur des oeuvres réalisées, la cession n'opérant qu'au fur et à mesure de la réalisation.

● La salariée prétendait également que la clause de cession de droits était nulle car dénuée de contrepartie financière pour la cédante.

La Cour confirme que la rémunération forfaitaire de la salariée, même n’opérant pas de distinction entre la rémunération de la prestation de travail et la contrepartie de la cession des droits d'auteur, est licite.

LES REPRISES EN MUSIQUE DEVANT LA COUR DE CASSATION

15/02/2023

● Sampling de moins de 2 secondes : pas d’atteinte au droit d’auteur

Un groupe de musique (The Do) avait composé le morceau « The bridge is broken » sorti en 2008. En 2015, deux artistes ont publié le titre « Goodbye » qui, selon le premier groupe, reprenait de manière répétée à l’identique un extrait de l’œuvre première. Par arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation (1re civ., 8 février 2023) donne raison à la Cour d’appel qui avait débouté The Do de ses demandes, en considérant 1️⃣ que la partie de l'œuvre dont la reprise était reprochée ne constituait pas un « gimmick » permettant de caractériser l'originalité de l’œuvre et 2️⃣ qu'il n'était pas établi que l'œuvre seconde avait repris et incorporé un extrait de l'enregistrement de l'œuvre première.

Bien que le Cour d’appel ait admis le caractère original de l’œuvre première prise dans son ensemble, l’extrait de l’œuvre dont la reprise était reprochée, n’était pas un « élément déterminant » permettant de caractériser la personnalité de l’auteur et « ne participait pas de l’originalité de l’œuvre ». Etait notamment relevée la brièveté de l’extrait litigieux qui constituait un « accompagnement d’instrument » et « aucunement une partie soliste ».

● Reprise de textes de chansons dans un livre : exception de courte citation

Un éditeur avait publié un ouvrage intitulé « Je ne chante pas pour passer le temps » reprenant 131 extraits de chansons de Jean Ferrat ainsi que le titre de l'une d'elles en couverture. L’exécuteur testamentaire et la société de production de l’artiste ont assigné l’éditeur en contrefaçon.

Par son arrêt du 8 février 2023, la Cour de cassation considère que les citations des textes de l’artiste étaient justifiées par le caractère pédagogique et d’information de l’ouvrage : elles étaient nécessaires à l'analyse critique de chansons, permettant au lecteur de comprendre le sens de l'œuvre évoquée et l'engagement de l'artiste. La Cour de cassation précise également que l’ouvrage ne s’inscrit pas dans une démarche commerciale ou publicitaire.

Etait également invoquée une atteinte au droit moral de l’auteur caractérisée par la dissociation des textes de l’œuvre musicale intégrale. Or, pour la Cour de cassation, le texte et la musique d'une chanson relevant de genres différents et étant dissociables, le seul fait que le texte ait été séparé de la musique ne portait pas nécessairement atteinte au droit moral.

CONTREFACON EN LIGNE : OBLIGATION D’UNE ENQUETE PENALE EFFECTIVE

09/02/2022

Identification des auteurs d’actes de contrefaçon en ligne : Condamnation de l’Ukraine pour manquement à son obligation de mener une enquête pénale effective.

La France est-elle plus efficace que l’Ukraine ?

Les faits : Le livre d’une écrivaine ukrainienne avait été mis à disposition, sans son consentement, en téléchargement payant sur un site. Le paiement était collecté par SMS vers un numéro ukrainien. La requérante a tenté d’obtenir par ses propres moyens des informations bancaires et de télécommunications pour identifier les personnes à l'origine de cette opération, mais la confidentialité de ces informations lui a été opposée. Elle a alors déposé une plainte pénale pour violation de ses droits d'auteur.

Cependant, la police a abandonné la procédure, notamment au motif qu’elle n'était pas en mesure d'obtenir des informations de la part des fournisseurs de télécommunications concernant l'utilisateur du numéro de téléphone.

Par son arrêt du 19 janvier 2023, la Cour européenne des droits de l’homme condamne l’Etat d’Ukraine pour manquement à son devoir de mener une enquête pénale effective pour identifier les auteurs de l’infraction, rendant impossible la poursuite d'une action civile par la requérante.

La CEDH relève que pesaient sur les enquêteurs des obligations de moyens et non de résultat, mais en l’espèce il est jugé que les mesures demandées par la requérante n’étaient pas disproportionnées par rapport à la gravité de l'infraction alléguée, dès lors que des informations bancaires et de télécommunication avaient été identifiées. Il est par ailleurs jugé que la requérante n'a pas été régulièrement informée des actions menées.

ATTEINTE AU DROIT MORAL D’UN PHOTOGRAPHE

03/02/2023

Un photographe avait réalisé, sur commande de la mairie, un reportage sur la saison estivale et le patrimoine d’une ville. Le photographe avait adressé sa facture à la ville qui l'avait réglée. La facture intégrait une mention selon laquelle les photographies étaient « libres de droits ». En mars 2018, le photographe constatait que le site internet de la mairie publiait une de ses photographies qui avait été recadrée sans son autorisation et sans mentionner son nom.

Le photographe a assigné la commune.

La photo était-elle protégée par le droit d’auteur ? Oui, nous dit la Cour d’appel de Rennes dans sa décision du 17 janvier 2023 : la photographie litigieuse, représentant une plage, illustre l'empreinte de la personnalité du photographe en la présentant sous un jour inattendu dès lors qu’« il se dégage de ce cliché une impression de spectacle maritime en mouvement contrastant avec l'ambiance familiale nonchalante régnant sur la plage de sable clair […] ».

La photo pouvait-elle être utilisée par la Commune ? La Cour considère que les photographies du reportage pouvaient être utilisées par la commune sans qu'elle ait à reverser des redevances de droit d'auteur au photographe dans la mesure où ce dernier aurait « clairement renoncé à toute rémunération pour l'exploitation des clichés du reportage réalisé par ses soins » en insérant la mention « libre de droits » à ses devis et facture.

Mais pas à n’importe quelles conditions! La gratuité d'utilisation ne pouvait être confondue avec une utilisation modifiée de la photographie sans autorisation et sans créditer l’auteur. Une atteinte au droit moral de l’auteur est retenue et la commune est condamnée à lui verser la somme de 500 euros…

Deux rappels utiles :
● Les acheteurs publics sont tenus au respect des règles du code de la propriété intellectuelle lorsqu’ils commandent des oeuvres originales…
● Et les auteurs sont liés par les mentions qu’ils font figurer sur leurs documents commerciaux ou contractuels !

REMUNERATION PROPORTIONNELLE DE L’AUTEUR ET/OU APPROPRIEE ?

15/12/2022

De la rémunération « proportionnelle » de l’auteur vers la rémunération « appropriée ». Avec la décision du Conseil d’Etat du 15 novembre 2022, les rapports entre auteurs et exploitants d’oeuvres entrent dans une période d’incertitude…

Saisi à l’initiative de plusieurs associations d’auteurs, le Conseil d’Etat a invalidé les disposition de l’ordonnance du 12 mai 2021 portant transposition de certains articles de la directive 2019/790 du 17 avril 2019 sur le droit d'auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique.

1️⃣ Le Conseil d’Etat constate que cette ordonnance n'a pas prévu, contrairement à ce qu'exige la directive, que la rémunération des auteurs soit, non seulement « proportionnelle » mais aussi « appropriée ».

2️⃣ La directive en question prévoit dans son article 18 que « Les États membres veillent à ce que, lorsque les auteurs et les artistes interprètes ou exécutants octroient sous licence ou transfèrent leurs droits exclusifs pour l'exploitation de leurs œuvres ou autres objets protégés, ils aient le droit de percevoir une rémunération appropriée et proportionnelle ».

➡️ Le mécanisme bien établi de la rémunération de l’auteur proportionnelle aux produits de l’exploitation de son oeuvre (sauf exceptions limitatives) doit être réévalué en tenant compte de ce qualificatif « approprié ». La négociation et la formulation des clauses de cession ou licence de droits d’auteurs est donc à repenser.

CONTREFACON OU PARODIE ?

06/12/2022

Contrefaçon d’œuvres dérivées de l’univers de Tintin et précision sur la notion de parodie en droit d’auteur. La société Tintinimaginatio disposant des droits sur l’œuvre d’Hergé a assigné en référé un artiste ayant créé des œuvres dérivées de l’univers du personnage de Tintin (buste, fusée) et les sociétés qui les commercialisent via un site internet, les réseaux sociaux et des galeries d’art. Par un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que, dans la mesure où ils présentent un caractère d’originalité, seule la société Tintinimaginatio pouvait s’inspirer des Aventures de Tintin pour commercialiser des bustes du personnage et la sculpture de la fusée, sauf à considérer que les œuvres secondaires étaient parodiques.

1️⃣ Pour cela, elles doivent présenter des différences perceptibles par rapport à l’œuvre originale afin qu’il n’y ait aucune confusion entre elles. Elles doivent par ailleurs constituer une manifestation d’humour, laquelle peut être caractérisée dès lors que la parodie peut « prêter à sourire, même intérieurement ».

2️⃣ Or, les œuvres en cause n’apportaient rien d’autre qu’une déclinaison esthétique des œuvres originales et ne s’en distinguaient donc pas suffisamment pour être qualifiées de parodie. L’argument selon lequel il s’agissait pour l’artiste de « rendre hommage » à l’œuvre apportait crédit à l'idée, soulevée par les intimés, selon laquelle il était poursuivie une fin commerciale par le truchement d'un détournement de notoriété.

➡️ Les œuvres en cause sont donc contrefaisantes et, ce faisant, constitutives d'un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser.
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