VENTE DE BILLETS DE SPECTACLE : NOUVELLE DEFAITE DES OPERATEURS ILLICITES DEVANT LA CJUE

18/07/2024

Etienne Papin et Stéphanie Foulgoc, associés de NEXT, représentaient Ekhoscènes devant la CJUE. Ils se félicitent de la décision du juge européen qui refuse de se laisser instrumentaliser par des sociétés établies hors de l’Union européenne mais qui espèrent tirer parti du droit européen contre le droit national.

Des sociétés établies hors UE ne peuvent demander l’interprétation des règles de libre prestation de service au sein de l’UE pour conduire des activités illicites en ligne au sein de l’UE. Leur demande est manifestement irrecevable. C’est ce que décide, la CJUE dans l’affaire C-190/23.

▶️ Communiqué d'Ekhoscènes

CONTREFACON DES TRAVAUX D’UN ELEVE PAR SON ECOLE

15/05/2024

Contrefaçon de droits d'auteur – Quand une école exploite une création d’un étudiant sans autorisation : Un ancien étudiant d’une école de cinéma et d'audiovisuel - devenu réalisateur, monteur et étalonneur - a constaté qu’une photo extraite d’un film réalisé en 2011, lors de ses années d’études, avait été extraite de ce film, modifiée et apposée sur l’ensemble des supports médias de l’école à compter de 2019.

L’auteur de la photo a proposé un règlement amiable du litige par versement d’une somme de 8100 euros en contrepartie d’une cession de ses droits, proposition à laquelle il n’a pas été donné suite…

Dans son jugement du 30 avril 2024, le tribunal judiciaire de Lyon condamne l’école pour contrefaçon de droits d’auteur :

● Les dispositions du « Guide de l’étudiant 2010/2011 » ne peuvent pas constituer une autorisation d’usage de l’œuvre au sens du Code de la propriété intellectuelle dès lors qu’elles sont trop larges, ambiguës, non limitées dans le temps et ne peuvent être considérées comme s’appliquant à chacune des oeuvres qui seront créées par les étudiants dans le cadre de leurs formations

● Le tribunal rejette également les arguments de l’école pour tenter de minimiser le préjudice de l’auteur selon lesquels, l’oeuvre ayant été créée dans le cadre d’un projet étudiant, elle n’aurait « qu’une valeur symbolique »

● Le tribunal retient enfin une atteinte au droit moral de l’auteur : la photographie a été modifiée et l’auteur n’est jamais crédité

Le tribunal condamne donc l’école à verser un montant total de près de 30 000 euros à l’élève au titre de l’atteinte portée à ses droits patrimoniaux, à ses droits moraux et au titre de l’article de l’article 700 du code de procédure civile.

Tribunal judiciaire de Lyon, 30 avril 2024 – n° 19/04753

FORMALISME DE LA CESSION DES DROITS SUR UNE PHOTOGRAPHIE

16/04/2024

Les photographies des membres d’un groupe de rock commandées pour la promotion d’une tournée ne pouvaient pas être utilisées pour un EP et les réseaux sociaux du groupe. C’est ce que rappelle le Tribunal judiciaire dans un jugement récent (Tribunal judiciaire, Paris, 3e ch., 2e sect., 5 avr. 2024 – n° 21/09122) opposant le photographe et le management du groupe.

Il avait été confié au photographe professionnel la réalisation de photographies des membres du groupe dans le cadre de la promotion d’une tournée.

Sur sa facture le photographe indiquait : "Tous droits cédés. France. 3 ans". "Toute utilisation sortant du cadre initialement prévu dans ce devis est interdite, sauf autorisation expresse et écrite du prestataire".

Le Tribunal rejette sa demande de nullité de sa propre clause au motif qu’elle aurait été trop générale, retenant que le photographe "qui se décrit lui-même comme un photographe professionnel d’une grande notoriété, n’a pu faire aucune erreur (…) sur la portée des termes de celle-ci".

En revanche le tribunal retient la contrefaçon par reproduction des photos sur les réseaux sociaux du groupe et sur la pochette d’un single, et l’atteinte au droit moral, le photographe n’ayant pas été crédité comme photographe sur ledit single.

Moralité : le contrat était mal rédigé et tout le monde est perdant !

SOCIETES D’AUTEURS ET LIBRE PRESTATION DE SERVICE DANS L’UE

26/03/2024

A la question de savoir s’il peut être interdit par une loi nationale à une entité établie dans un autre État membre de fournir des services de gestion de droits d’auteur sur son territoire, la CJUE répond non. En tous cas, pas par une interdiction « générale et absolue ».

Liberi editori a autori (LEA), organisme de gestion collective italien "habilité à l’intermédiation des droits d’auteur" faisait grief à une société luxembourgeoise, entité de gestion indépendante des droits d’auteur, d’exercer ses activités d'intermédiation en Italie, au motif :
● qu’elle n’était pas inscrite sur la liste des organismes "habilités à l’intermédiation des droits d’auteur en Italie" ;
● qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences spécifiques prévues par un décret italien ;
● et qu’elle n’avait pas informé le ministère des Télécommunications avant de commencer à exercer son activité.

Une question préjudicielle a été soumise à la CJUE.

La CJUE, en interprétant l’article 56 TFUE sur la libre prestation des service et la directive 2014/26/UE sur la gestion collective du droit d’auteur, juge qu’« une législation d’un État membre qui exclut de manière générale et absolue la possibilité pour les entités de gestion indépendantes établies dans un autre État membre de prester dans ce premier État membre leurs services de gestion du droit d’auteur » constitue une restriction non proportionnée au regard de l’objectif de protection du droit d’auteur et s’oppose au droit de l’Union.

CJUE 21 mars 2024 affaire C‑10/22 Liberi editori e autori (LEA) c. Jamendo SA

ABSENCE D’ORIGINALITE DES GRAPHISMES D’UN JEU VIDEO

22/03/2024

Un infographiste spécialisé dans la création 3D avait développé un jeu vidéo de courses de voiture en collaboration avec le dirigeant d’une société italienne spécialisée dans le développement, la production et la commercialisation de logiciels.

Des divergences sont survenues entre le dirigeant de la société et l’infographiste. L’infographiste, estimant avoir été privé de redevances qui lui étaient dues, réclamait à la société la fourniture d’une reddition des comptes de recettes. En réponse, la société arguait d’un manque de collaboration et d’investissement dans le développement du jeu.

L’infographiste a assigné la société en paiement de redevances et de dommages et intérêts en responsabilité contractuelle, ainsi que pour contrefaçon de droits d'auteur.

Le tribunal judiciaire a rejeté ses demandes et a jugé que :

"pour chacun des dessins des vingt-et-une carrosseries, des neuf modèles d’enjoliveurs, des treize modèles de pneus, des seize circuits et des quinze menus ou interfaces créés pour les jeux “Real Drift Car Racing” ne sont qu’une reprise du fonds commun des courses automobiles et des jeux qui y sont consacrés, lequel n’est pas appropriable. Leur combinaison ne témoigne pas davantage d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de [l’infographiste]."

Le tribunal retient que les créations revendiquées n’étaient pas originales et ne pouvaient donc pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur.

TJ Paris, 3è ch. 13 mars 2024, n° 20/10831

DROIT VOISIN DES EDITEURS DE PRESSE : GOOGLE EST SANCTIONNE

21/03/2024

Google (encore!) sanctionné par l’Autorité de la concurrence. Depuis 2019, les éditeurs et agences de presse disposent d’un droit voisin, droit exclusif sur les contenus qu’ils produisent, prévu aux articles L218-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.

Comme pour tout droit exclusif, l’autorisation du titulaire doit être obtenue pour que le contenu soit exploité, et cette exploitation est soumise à rémunération. L’article L218-4 du CPI fixe les conditions devant être respectées pour permettre une juste rémunération des titulaires de droit.

L’instauration de ce droit a ouvert un bras de fer entre Google et les titulaires de ce droit voisin, le premier se révélant pour le moins peu enclin à rémunérer les producteurs de contenus qu’il exploitait jusqu’alors sans bourse délier.

Sanctionné pour abus de position dominante pour ne pas avoir négocié conformément aux exigences nouvelles, Google a pris des « Engagements », entérinés par une décision de l’Autorité de la concurrence du 21 juin 2022 (n° 22-D-13).

C’est au constat du non respect de ces Engagements que les sociétés Google sont condamnées à une amende de 250 millions d’euros par décision du 15 mars 2024.

L’Autorité de la concurrence a constaté que Google avait enfreint quatre de ses sept engagements, et notamment :

● Non respect de l’engagement à négocier de bonne foi la rémunération des titulaires de droit, en se basant sur des critères transparents, objectifs et non discriminatoires. L’Autorité constate que Google n’a pas transmis sa note méthodologique simultanément à l'offre de rémunération aux parties négociantes. Elle relève également que cette note est imprécise, qu’elle ne mentionne pas la totalité de ses services pouvant générer un revenu pour la partie négociante et qu’elle traite de manière identique des éditeurs de presse dont les situations sont différentes.

● Non respect de l’engagement de fournir aux éditeurs ou agences de presse les informations requises pour évaluer de manière transparente leur rémunération au titre des droits voisins.

● Non respect de l’obligation de neutralité au titre de laquelle Google ne devait pas lier ses discussions avec les titulaires de droit relatives aux droits voisins, avec les autres relations économiques existant entre Google et ces opérateurs, relatives à d’autres services.

● L’Autorité constate en outre que Google ne s’est pas conformée à son obligation de travailler de bonne foi avec le Mandataire désigné

Enfin, l’Autorité a constaté que le service d’intelligence artificielle « Bard » de Google avait utilisé, aux fins d’entraînement de son modèle fondateur, des contenus des éditeurs et agences de presse sans les informer. Elle retient également que Google n’a pas permis aux éditeurs et agences de presse de s’opposer à l’utilisation de leur contenu par Bard.

Décision 24-D-03 du 15 mars 2024

NEXT AVOCAT DANS LA PRESSE



Stéphanie Foulgoc, avocate associée, interviewée sur les effets de la condamnation de Google obtenue pour le PRODISS (devenu Ekhoscènes) en matière de commercialisation de billets de spectacles.

Dans un encart « 𝐒𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐟𝐫𝐚𝐮𝐝𝐮𝐥𝐞𝐮𝐱 : 𝐕𝐢𝐚𝐠𝐨𝐠𝐨 𝐞𝐧𝐟𝐢𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞́ 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐮 𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞 », l’article du magazine UFC-Que Choisir revient sur l’interdiction faite à Google d’accepter des publicités pour des sites n’ayant pas l’autorisation de vendre des billets. Le journaliste relève que cette victoire judiciaire, confirmée au printemps 2023, « s’est traduite par un tarissement des témoignages reçus à Que choisir » de la part de consommateurs victimes de pratiques illicites.

« Le processus de recherche de billets sur Internet a été assaini, car les premiers résultats affichés sont désormais légitimes » commente Stéphanie Foulgoc, avocate associée de NEXT avocats, représentant Ekhoscènes - Syndicat des entrepreneurs du spectacle vivant privé.

UFC que choisir - N°632 – Février 2024 p. 28—29 « Billets de spectacle – Tout le monde veut vendre sa place »

ANIMATION : L’EMPLOI D’UN SALARIE N’EXCLUT PAS LA QUALITE D’AUTEUR

29/02/2024

Série d’animation : L’emploi d’une cheffe décoratrice salariée n’exclut pas sa qualité d’auteur

Une société de production française a produit une série d’animation adaptant le personnage 'Molang' créé par une autrice coréenne. Un contrat de commande et de cession de droits d’auteur portant sur la création de la bible graphique de la série a été conclu avec une illustratrice. Quelques jours plus tard, cette même l’illustratrice était engagée par la société de production en qualité de cheffe décoratrice avec le statut de technicienne intermittente salariée.

Constatant l’absence de son nom au générique au titre de la création graphique (mais seulement comme cheffe décoratrice) et la non perception de rémunération proportionnelle, l’illustratrice a assigné la société de production en violation de ses droits d’auteur et du contrat de commande.

En défense, la société de production soutenait que l’emploi de l’illustratrice en qualité de cheffe décoratrice ne lui permettait pas de revendiquer des droits d’auteur.

La Cour d’appel de Paris a jugé que la mission en qualité de cheffe décoratrice était distincte de celle résultant du contrat de commande et de cession de droits d’auteur. La Cour retient que l’illustratrice avait effectivement créé et livré, conformément au contrat de commande, "des dessins de décors intérieurs et extérieurs composant la bible graphique utilisée dans la production des épisodes de la série 'Molang'". 

L’illustratrice est donc fondée à demander l’application du contrat de cession de droits d’auteur et en particulier des dispositions relatives à la rémunération proportionnelle, à la reddition des comptes et à sa mention au générique au titre de la création graphique

La Cour d’appel confirme le jugement ayant condamné la société de production à verser à l’illustratrice 80 000 euros en réparation de ses différents préjudices, et y ajoute une condamnation de 16 000 euros.

Les sociétés de production doivent être attentives à leurs montages contractuels et les faire valider par des juristes spécialisés !

Cour d’appel de Paris, 18 oct. 2023, n° 21/16862

EXPLOITATION DE L’IMAGE DES SALARIES : LA COUR DE CASSATION SE PRONONCE

26/02/2024

La simple constatation de l’utilisation de son image sans son autorisation ouvre droit à réparation nous dit la Cour de cassation.

Dans le cadre d’un contentieux prud’homal, un ancien employé reprochait à son employeur d'avoir diffusé des photographies de lui sans autorisation dans deux campagnes publicitaires en 2012 et 2015 et demandait 20 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.

La Cour d’appel de Versailles n’avait pas fait droit à sa demande, retenant qu’il s’agissait seulement de plaquettes à destination des clients présentant les employés avec des photos individuelles et collectives de ces derniers.

La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel et juge, au visa de l'article 9 du code civil, que le seul constat d’une utilisation de l’image du salarié sans son accord constitue une atteinte à son droit à l’image et lui ouvre droit à réparation.

Cette évolution de la jurisprudence en matière de droit à l'image des salariés rappelle qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation écrite pour toute utilisation de l’image d’une personne dans un contexte professionnel.

Cass. Soc. 14 fév. 2024, n° 22-18.014

ATTEINTE AU DROIT MORAL DU COMPOSITEUR D’UNE MUSIQUE DANS UN FILM

23/02/2024

L’omission de faire figurer le nom des auteurs de la musique du générique de fin d’un film porte atteinte au droit moral de paternité sur l’oeuvre.

Une société de production cinématographique a demandé l’autorisation à une société d’édition musicale d’utiliser une œuvre de son répertoire intitulée « Le crime » pour le générique de son film « Barbaque ». Cette autorisation a été donnée par les deux auteurs de la musique concernée. Le titre a été utilisé comme prévu mais sans aucun crédit au générique. L’un des auteurs a assigné en référé la société de production.

Le tribunal judiciaire de Paris juge qu'une omission dans le générique du film, en ne mentionnant pas les auteurs de l'œuvre musicale, constitue une contrefaçon. Il ordonne à la société de production de faire figurer cette mention dans les crédits du générique de fin et prononce une astreinte provisoire.

Il condamne également la société productrice du film a payer 5 000 euros à chaque auteur au titre de l’atteinte à leur droit moral, ainsi que 3 000 euros au titre des frais de justice engagés.

Tribunal judiciaire de Paris 16 janvier 2024, n° 23/54112
Aller en haut