Actualités
22/03/2024
Un infographiste spécialisé dans la création 3D avait développé un jeu vidéo de courses de voiture en collaboration avec le dirigeant d’une société italienne spécialisée dans le développement, la production et la commercialisation de logiciels.
Des divergences sont survenues entre le dirigeant de la société et l’infographiste. L’infographiste, estimant avoir été privé de redevances qui lui étaient dues, réclamait à la société la fourniture d’une reddition des comptes de recettes. En réponse, la société arguait d’un manque de collaboration et d’investissement dans le développement du jeu.
L’infographiste a assigné la société en paiement de redevances et de dommages et intérêts en responsabilité contractuelle, ainsi que pour contrefaçon de droits d'auteur.
Le tribunal judiciaire a rejeté ses demandes et a jugé que :
"pour chacun des dessins des vingt-et-une carrosseries, des neuf modèles d’enjoliveurs, des treize modèles de pneus, des seize circuits et des quinze menus ou interfaces créés pour les jeux “Real Drift Car Racing” ne sont qu’une reprise du fonds commun des courses automobiles et des jeux qui y sont consacrés, lequel n’est pas appropriable. Leur combinaison ne témoigne pas davantage d’un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de [l’infographiste]."
Le tribunal retient que les créations revendiquées n’étaient pas originales et ne pouvaient donc pas bénéficier de la protection par le droit d'auteur.
TJ Paris, 3è ch. 13 mars 2024, n° 20/1083121/03/2024
Google (encore!) sanctionné par l’Autorité de la concurrence. Depuis 2019, les éditeurs et agences de presse disposent d’un droit voisin, droit exclusif sur les contenus qu’ils produisent, prévu aux articles L218-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle.
Comme pour tout droit exclusif, l’autorisation du titulaire doit être obtenue pour que le contenu soit exploité, et cette exploitation est soumise à rémunération. L’article L218-4 du CPI fixe les conditions devant être respectées pour permettre une juste rémunération des titulaires de droit.
L’instauration de ce droit a ouvert un bras de fer entre Google et les titulaires de ce droit voisin, le premier se révélant pour le moins peu enclin à rémunérer les producteurs de contenus qu’il exploitait jusqu’alors sans bourse délier.
Sanctionné pour abus de position dominante pour ne pas avoir négocié conformément aux exigences nouvelles, Google a pris des « Engagements », entérinés par une décision de l’Autorité de la concurrence du 21 juin 2022 (n° 22-D-13).
C’est au constat du non respect de ces Engagements que les sociétés Google sont condamnées à une amende de 250 millions d’euros par décision du 15 mars 2024.
L’Autorité de la concurrence a constaté que Google avait enfreint quatre de ses sept engagements, et notamment :
● Non respect de l’engagement à négocier de bonne foi la rémunération des titulaires de droit, en se basant sur des critères transparents, objectifs et non discriminatoires. L’Autorité constate que Google n’a pas transmis sa note méthodologique simultanément à l'offre de rémunération aux parties négociantes. Elle relève également que cette note est imprécise, qu’elle ne mentionne pas la totalité de ses services pouvant générer un revenu pour la partie négociante et qu’elle traite de manière identique des éditeurs de presse dont les situations sont différentes.
● Non respect de l’engagement de fournir aux éditeurs ou agences de presse les informations requises pour évaluer de manière transparente leur rémunération au titre des droits voisins.
● Non respect de l’obligation de neutralité au titre de laquelle Google ne devait pas lier ses discussions avec les titulaires de droit relatives aux droits voisins, avec les autres relations économiques existant entre Google et ces opérateurs, relatives à d’autres services.
● L’Autorité constate en outre que Google ne s’est pas conformée à son obligation de travailler de bonne foi avec le Mandataire désigné
Enfin, l’Autorité a constaté que le service d’intelligence artificielle « Bard » de Google avait utilisé, aux fins d’entraînement de son modèle fondateur, des contenus des éditeurs et agences de presse sans les informer. Elle retient également que Google n’a pas permis aux éditeurs et agences de presse de s’opposer à l’utilisation de leur contenu par Bard.
Décision 24-D-03 du 15 mars 202414/03/2024
L’Europe a donc décidé de réglementer l’IA. Est-ce que les 457 pages du règlement sur l’Intelligence Artificielle permettront de prévenir les risques avérés ou supposés qu’engendre l’IA ?
Au-delà des déclarations optimistes faites par les membres de la Commission Européenne, le lecteur de ces 457 pages se doit d’être plus circonspect.
Une chose est certaine : avec ce règlement, les institutions européennes se sont surpassées. Qu’on en juge :
● un nombre record de considérants (180 !) et de définitions (68 !) ;
● des définitions qui appartiennent parfois plus à la philosophie qu’au droit (exemple : "risque" : la combinaison de la probabilité d'un dommage et de la gravité de ce dommage) ou qui relèvent de la tautologie ("mise à disposition sur le marché" : toute fourniture d'un système d'IA ou d'un modèle d'IA à usage général en vue de sa distribution ou de son utilisation sur le marché de l'Union dans le cadre d'une activité commerciale, que ce soit à titre onéreux ou gratuit) ;
● des principes assortis d’exceptions… elles-mêmes assorties d’exceptions ;
● plus d’une dizaine d’actes délégués devant être pris par la Commission ;
● l’entrée du logiciel dans le monde de la certification et du marquage CE ;
● l’arlésienne des « codes de conduite » ;
● la création de nouvelles institutions : Office européen de l’IA, Comité européen de l'intelligence artificielle, Forum consultatif, Panel d’experts indépendants, Autorités compétentes nationales ;
● Etc.
Vous développez, vous distribuez ou vous utiliser les logiciels ? Attention, de gré ou de force, vous allez devoir vous approprier cette nouvelle législation qui s’applique nécessairement à vous.
Directions informatiques, directions générales, directions des achats, directions juridiques : vous ne pourrez plus acquérir et utiliser des solutions logicielles comme avant. L’IA sera partout, le règlement IA également !
Stéphanie Foulgoc, avocate associée, interviewée sur les effets de la condamnation de Google obtenue pour le PRODISS (devenu Ekhoscènes) en matière de commercialisation de billets de spectacles.
Dans un encart « 𝐒𝐢𝐭𝐞𝐬 𝐟𝐫𝐚𝐮𝐝𝐮𝐥𝐞𝐮𝐱 : 𝐕𝐢𝐚𝐠𝐨𝐠𝐨 𝐞𝐧𝐟𝐢𝐧 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐞́ 𝐩𝐚𝐫 𝐥𝐞𝐬 𝐚𝐜𝐭𝐞𝐮𝐫𝐬 𝐝𝐮 𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭𝐚𝐜𝐥𝐞 », l’article du magazine UFC-Que Choisir revient sur l’interdiction faite à Google d’accepter des publicités pour des sites n’ayant pas l’autorisation de vendre des billets. Le journaliste relève que cette victoire judiciaire, confirmée au printemps 2023, « s’est traduite par un tarissement des témoignages reçus à Que choisir » de la part de consommateurs victimes de pratiques illicites.
« Le processus de recherche de billets sur Internet a été assaini, car les premiers résultats affichés sont désormais légitimes » commente Stéphanie Foulgoc, avocate associée de NEXT avocats, représentant Ekhoscènes - Syndicat des entrepreneurs du spectacle vivant privé.
UFC que choisir - N°632 – Février 2024 p. 28—29 « Billets de spectacle – Tout le monde veut vendre sa place »Merci aux professionnels du numérique et de la création, juristes, DPO, partenaires, amis, confrères ou étudiants qui nous suivent pour leur intérêt.
Nous continuerons à diffuser les actualités juridiques dénichées, analysées, résumées et mises en perspective par les avocats de l’équipe.
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07/03/2024
La CNIL prononce une sanction de 310 000 euros. Pour réaliser des campagnes de phoning, une société a acheté des fichiers de prospects auprès de « courtiers ». La société a été sanctionnée car la collecte initiale des données n’avait pas été réalisée en conformité avec le #RGPD par les fournisseurs de fichiers.
Ce que l’on retient de cette décision :
● Le traitement de données personnelles pour réaliser des campagnes de démarchage par téléphone ne peut pas avoir pour base légale l’intérêt légitime du responsable de traitement : les données n’ont pas été collectées en respectant les obligations d’information des personnes concernées.
● Le consentement à recevoir des sollicitations commerciales suite à la participation à un #JeuConcours en ligne n’est pas un consentement spécifique, libre et éclairé : la possibilité offerte de participer au jeu-concours sans accepter de recevoir ces sollicitations n’était pas mise en évidence lorsque cette possibilité n’existait que sous forme d’un lien hypertexte dans le corps du texte, en caractères d’une taille nettement inférieure à celle utilisée pour les boutons et sans mise en valeur particulière
● Le fait d’avoir obtenu les données auprès « d’un courtier » ne décharge pas le responsable du traitement de son obligation de vérifier si les conditions légales lui permettant de réaliser des opérations de prospection sont réunies.
Conclusion : le responsable de traitement ne peut pas se contenter des déclarations ou engagements du fournisseur de données personnelles. Un audit de conformité de la collecte au RGPD doit être réalisé préalablement à l’achat des données.
Délibération de la CNIL SAN-2024-003 du 31 janvier 2024L’intelligence artificielle (« IA ») dite « générative » a fait son irruption sur la scène des technologies de l’information au cours de ces derniers mois. Des solutions simples, gratuites ou peu onéreuses, peuvent être utilisées par n’importe quelle personne disposant d’une connexion internet pour générer des textes, des images, des musiques, etc. qui sont le résultat du travail algorithmique et automatique du moteur d’IA utilisé, guidé par les instructions formulées en langage naturel (« prompts ») de l’utilisateur. Par itérations, les instructions peuvent se faire de plus en plus précises et aboutir, par exemple, à une image au plus proche de ce que l’utilisateur avait à l’esprit.
Textes, images mais aussi musique ou codes source de logiciels, l’IA se propose aujourd’hui de tout créer et les créations en question sont celles qui sont traditionnellement protégées par un droit de propriété incorporelle : le droit d’auteur.
S’ouvre donc un dialogue complexe entre les droits de ceux qui « promptent » (qui donnent leurs instructions à l’IA), de ceux qui conçoivent le moteur d’IA et de ceux dont les œuvres premières ont été automatiquement analysées par l’IA pour pouvoir nourrir son « intelligence » et alimenter les algorithmes lui permettant de générer, en retour, de nouvelles créations.
Le juriste spécialisé en droit du numérique et de la création est de nouveau interpellé par une nouvelle révolution technologique : qui possède quoi sur les créations générées par l’IA ?29/02/2024
Série d’animation : L’emploi d’une cheffe décoratrice salariée n’exclut pas sa qualité d’auteur
Une société de production française a produit une série d’animation adaptant le personnage 'Molang' créé par une autrice coréenne. Un contrat de commande et de cession de droits d’auteur portant sur la création de la bible graphique de la série a été conclu avec une illustratrice. Quelques jours plus tard, cette même l’illustratrice était engagée par la société de production en qualité de cheffe décoratrice avec le statut de technicienne intermittente salariée.
Constatant l’absence de son nom au générique au titre de la création graphique (mais seulement comme cheffe décoratrice) et la non perception de rémunération proportionnelle, l’illustratrice a assigné la société de production en violation de ses droits d’auteur et du contrat de commande.
En défense, la société de production soutenait que l’emploi de l’illustratrice en qualité de cheffe décoratrice ne lui permettait pas de revendiquer des droits d’auteur.
La Cour d’appel de Paris a jugé que la mission en qualité de cheffe décoratrice était distincte de celle résultant du contrat de commande et de cession de droits d’auteur. La Cour retient que l’illustratrice avait effectivement créé et livré, conformément au contrat de commande, "des dessins de décors intérieurs et extérieurs composant la bible graphique utilisée dans la production des épisodes de la série 'Molang'".
L’illustratrice est donc fondée à demander l’application du contrat de cession de droits d’auteur et en particulier des dispositions relatives à la rémunération proportionnelle, à la reddition des comptes et à sa mention au générique au titre de la création graphique
La Cour d’appel confirme le jugement ayant condamné la société de production à verser à l’illustratrice 80 000 euros en réparation de ses différents préjudices, et y ajoute une condamnation de 16 000 euros.
Les sociétés de production doivent être attentives à leurs montages contractuels et les faire valider par des juristes spécialisés !
Cour d’appel de Paris, 18 oct. 2023, n° 21/1686226/02/2024
La simple constatation de l’utilisation de son image sans son autorisation ouvre droit à réparation nous dit la Cour de cassation.
Dans le cadre d’un contentieux prud’homal, un ancien employé reprochait à son employeur d'avoir diffusé des photographies de lui sans autorisation dans deux campagnes publicitaires en 2012 et 2015 et demandait 20 000 euros de dommages et intérêts à ce titre.
La Cour d’appel de Versailles n’avait pas fait droit à sa demande, retenant qu’il s’agissait seulement de plaquettes à destination des clients présentant les employés avec des photos individuelles et collectives de ces derniers.
La Cour de cassation casse cet arrêt d’appel et juge, au visa de l'article 9 du code civil, que le seul constat d’une utilisation de l’image du salarié sans son accord constitue une atteinte à son droit à l’image et lui ouvre droit à réparation.
Cette évolution de la jurisprudence en matière de droit à l'image des salariés rappelle qu’il est nécessaire d’obtenir une autorisation écrite pour toute utilisation de l’image d’une personne dans un contexte professionnel.
Cass. Soc. 14 fév. 2024, n° 22-18.01423/02/2024
L’omission de faire figurer le nom des auteurs de la musique du générique de fin d’un film porte atteinte au droit moral de paternité sur l’oeuvre.
Une société de production cinématographique a demandé l’autorisation à une société d’édition musicale d’utiliser une œuvre de son répertoire intitulée « Le crime » pour le générique de son film « Barbaque ». Cette autorisation a été donnée par les deux auteurs de la musique concernée. Le titre a été utilisé comme prévu mais sans aucun crédit au générique. L’un des auteurs a assigné en référé la société de production.
Le tribunal judiciaire de Paris juge qu'une omission dans le générique du film, en ne mentionnant pas les auteurs de l'œuvre musicale, constitue une contrefaçon. Il ordonne à la société de production de faire figurer cette mention dans les crédits du générique de fin et prononce une astreinte provisoire.
Il condamne également la société productrice du film a payer 5 000 euros à chaque auteur au titre de l’atteinte à leur droit moral, ainsi que 3 000 euros au titre des frais de justice engagés.
Tribunal judiciaire de Paris 16 janvier 2024, n° 23/54112