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ABUS DE LA LIBERTE D’EXPRESSION SUR INTERNET

Oct 2022

La sanction des abus de la liberté d’expression sur internet ne cesse d’interroger par sa complexité procédurale.

Une société anglaise propose des services en ligne d’accès à des documents (formulaires, lettres ou contrats type) avec une offre d’essai à prix réduit de 48h se transformant automatiquement en abonnement payant. Des internautes, s’estimant trompés par cette politique tarifaire, ont émis des commentaires très critiques sur les sites www.signal-arnaques.com et www.scamdoc.com.

Estimant ces commentaires dénigrants, la société anglaise a assigné l’éditeur de ces deux sites devant le tribunal de commerce de Paris.

Le tribunal de commerce de Paris, dans sa décision du 21 septembre 2022, considère que l’éditeur n’a pas respecté la réglementation relative aux avis en ligne en n’ayant pas délivré aux utilisateurs une information loyale, claire et transparente sur les modalités de publication et de traitement des avis mis en ligne (art. L.111-7-2 du code de la consommation).

Le tribunal constate que les propos diffusés (« arnaque » ; « à fuir » ; « escrocs » ; « voleurs »…) sont incontestablement dénigrants et dépassent les limites de la liberté d’expression.

Enfin, le tribunal considère que l’éditeur des sites www.signal-arnaques.com et www.scamdoc.com, en tant qu’hébergeur des avis, est responsable des commentaires publiés sur son site dans la mesure où l’essentiel des commentaires n’étaient pas promptement retirés après de multiples lettres de mise en demeure de la société anglaise.

Il est à noter que le tribunal se considère compétent pour statuer de faits de dénigrement. Selon lui, malgré la teneur des propos publiés, « en aucun cas [ils ne visent] l’honneur ou la considération de quiconque, mais, […] ils ont pour objectif de dénoncer certaines pratiques commerciales » de la société anglaise.

La Cour de cassation a consacré le principe selon lequel les abus dans la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent pas être réparés sur le fondement de la responsabilité délictuelle (Cass. ass. plén., 12 juill. 2000, n° 98-10.160).

En l’espèce, la distinction est ténue entre la critique de la pratique commerciale, de la compétence du juge commercial, et celle de la personne (y compris la personne morale) de la compétence du tribunal judiciaire au fondement de la loi de 1881 avec ces règles procédurales spécifiques et sa très courte prescription.

L’éditeur est condamné à verser 25 000 euros au demandeur au titre de son préjudice moral, à supprimer les commentaires litigieux et à publier un communiqué détaillant le jugement sur son site.