ANONYMAT ET REGULATION DES RESEAUX
Une notaire se considérant dénigrée et victime de pratiques commerciales trompeuses par de faux avis publiés anonymement sur Google demandait qu’il soit enjoint à Google Ireland de communiquer les données d’identification des auteurs de ces avis.
Par un arrêt du 27 avril 2022, la Cour d’appel de Paris a refusé cette demande.
● La Cour juge que l’article 6 II de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) « ne prévoit plus la possibilité de communiquer les données conservées pour les besoins des procédures civiles ». Elle énonce que « la conservation des données d’identification par les fournisseurs d’accès à internet et de services d’hébergement est désormais strictement encadrée aux seuls besoins des procédures pénales ».
La Cour retient en outre que la requérante échoue à démontrer un motif légitime pour engager une action pénale contre les auteurs des avis, qui « relèvent de la libre critique et ne constituent pas (…) un abus de la liberté d’expression ». La communication des données identifiantes lui est refusée.
● La Cour juge enfin qu’aucun trouble manifestement illicite n’est caractérisé et que Google n’a dès lors pas d’obligation de retirer les avis litigieux.
Cette jurisprudence est particulièrement surprenante voire inquiétante. Au nom de la liberté d’expression, il devient ainsi permis à toute personne, sous couvert d’anonymat, de tenir tout type de propos et d’échapper à toute responsabilité. La réparation des dommages subis dans l’abus de liberté d’expression ne doit pas être cantonnée aux seules juridictions pénales par ailleurs débordées et qui peinent à instruire les dossiers de diffamation et injures.
Reste à espérer que cette jurisprudence sera un cas d’espèce. Il n’est pas dans l’esprit annoncé du Digital Services Act qu’internet soit consacré comme un espace d’impunité et de malveillance…