La DINUM a annoncé le 27 septembre 2021 « une mobilisation sans précédent … dans tous les ministères sur le sujet des données, des algorithmes et des codes sources » précisant que « la mise à disposition de données publiques en open data est un axe fort de nombreuses feuilles de route ministérielles ».

S’en suivent « 15 feuilles de route » qui sont en réalité beaucoup, beaucoup, beaucoup… de feuilles. Aucun juriste, aucun justiciable voire aucun agent normalement constitué de l’administration ne peut lire une telle production. C’est déjà un miracle d’avoir eu le temps de les écrire. Il y a environ 600 pages à lire si l’on veut prendre connaissance des 15 feuilles de route. La feuille de route du ministère de la santé, par exemple, est un pdf de 41 pages.

On pourrait se réjouir à la lecture du sommaire en constatant que figure en fin de document une « synthèse des actions ». Las. Voici un florilège des « actions » programmées au ministère de la santé :

« Promouvoir les trois axes stratégiques (piloter et décider ; partager pour simplifier ; assurer la qualité pour gagner la confiance) comme piliers de la stratégie data du Ministère des Solidarités et de la Santé : identifier les projets alignés sur cette stratégie pour suivre l’atteinte des objectifs et favoriser les retours/échanges d’expérience, en particulier par le biais de rencontres en bilatérale avec l’ensemble des acteurs »

« Généraliser dans les plans stratégiques de l’ensemble des directions et opérateurs (COP, COG, COM, etc.) la mise en place de projets alignés sur les axes stratégiques de la feuille de route de la politique à mener en matière de données, d’algorithmes et de codes sources ».

Est-ce que quelqu’un peut affirmer que ces phrases décrivent des actions ? On peut se rassurer car ne manqueront pas d’être mis sur pied des « des groupes de travail transversaux », « un comité de pilotage data trimestriel », « un comité stratégique data réuni annuellement », « un comité consultatif réuni annuellement ».

Les moins jeunes se rappelleront peut-être de la circulaire Balladur du 14 février 1994 sur la diffusion des données publiques qui lança le sujet. Elle faisait 4 pages au JO. Il y eut encore la loi du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public, la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 qui se fit fort de traduire « une politique volontariste d’ouverture des données publiques » et encore la directive du 20 juin 2019 concernant les données ouvertes et la réutilisation des informations du secteur public qui est déjà le troisième texte communautaire sur le sujet !

Le droit n’a pas besoin d’être complexe et encore moins verbeux. Or, la crise du Covid-19 a mis en lumière, si besoin en était, la nécessité pour le secteur privé d’accéder aux données générées par le secteur public : pour innover et lutter contre l’épidémie mais aussi pour assurer une transparence nécessaire au contrôle démocratique de l’action de l’Etat.

La mobilisation « sans précédent » qui vient, en premier lieu, d’accoucher de 600 pages de « feuilles de route » sera-t-elle à la hauteur de l’enjeu ? On ne peut malheureusement qu’en douter.